Au ralenti
Quand il fait très froid (en dessous de -10), c’est comme quand il fait très chaud. Notre corps se met en mode économie. En tout cas, le mien réagit ainsi. Le froid est arrivé en milieu de semaine dernière, juste pour nous rappeler à l’ordre. Nous sommes bien en janvier. Et après une petite remontée près du zéro, nous plongeons cette semaine dans le froid polaire.
Oui combat car la moindre sortie prend d’autres proportions. Plus question de mettre le nez dehors pour sortir les poubelles sans s’habiller vraiment – même pour trois minutes. Le démarrage du matin en est d’autant rallongé. A 7h30, premier habillage complet pour vérifier si la voiture démarre. Si non, on branche le radiateur, et on rentre finir de se préparer pendant que le moteur se réchauffe. Ça n’a l’air de rien, mais cela ajoute un dix minutes à l’épisode matinal déjà calculé au plus juste.
Le froid prend en étau la tête et vous gèle littéralement les oreilles – il y a des gens qu’ils l’ont appris en en perdant des morceaux. Le froid vous gèle les mains et vous assèche comme un désert. Même avec des gants, on a des gerçures. Crémer les mains et les lèvres devient un passage obligé chaque matin – en plus de l’habillage des enfants, dans l’ordre : pantalons de neige, col, chapeau, manteau, bottes et moufles. Le hic, c’est quand il a terminé (et je n’en ai plus qu’un, comment faisais-je avant?), il faut lui mettre son sac à dos et sa boîte à lunch, et lui ouvrir la porte. Car il n'a plus aucune motricité fine… Et surtout, croiser les doigts pour qu’il n’ait rien oublié!
C’est là que je maudis l’architecte de cette maison – comme la plupart des maisons au Canada, notre entrée est trop petite, engoncée, et mal pensée. On ne peut pas s’y tenir à plus de deux et chaque ouverture de la porte exige manœuvres plus ou moins aimables, ce qui a tendance à énerver – surtout si vous ne voulez pas refroidir la maison et minimiser les dites ouvertures de porte! Encore plus si vous avez eu la mauvaise idée de vous habiller, en pensant que tout le monde était prêt… Vous surchauffez dans tous les sens du terme!
Après cette petite suée, quel contraste! Après avoir enfin fermé la porte de l’entrée – sans vos moufles bien sûr donc les mains exposées à la morsure du froid – et enfin installée dans la voiture gelée – où il faut à nouveau enlever les moufles pour mettre les ceintures (ah quelle sensation que le métal froid sur vos mains pas encore crémées), la suée est déjà un vieux et plutôt agréable souvenir et on regrette immédiatement le thé chaud oublié sur le comptoir de la cuisine… mais pas question de recommencer tout ce cirque, tant pis! Même topo si le soir, vous avez eu la mauvaise idée d’oublier d’acheter du pain…
Et à chaque sortie, ça recommence…
Pas surprenant qu’une fois rentrés chez vous, rien, non rien ne vous fera ressortir! [Je suis d’ailleurs très admirative des propriétaires de chien… non seulement ils ramassent le rejet bien chaud de leur ami canin par ce froid… mais ils doivent ressortir de chez eux deux fois par jour voire trois en plus des autres sorties!] Non, deux sorties par jour me suffisent. Après de telles journées, on se terre, vidés de toute énergie. Le cocooning prend toute sa signification, couvertures, thé chaud et films ou lectures (pas trop intellectuel!), aucun projet ne peut rivaliser! D’ailleurs, le cerveau en compote et le niveau d’énergie au plus bas, vous vous couchez tôt, car vraiment le froid, c’est fatiguant!
Vivement qu’il fasse -10!
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Je ne résiste pas, après ce loooong texte à vous en remettre une petite couche. Pas de moi cette fois... de notre râleur national, Pierre Foglia. J'avoue que parfois, ses envolées, comme un des ses derniers textes, "Ma vie, c'est de la neige" me font jubiler...
«C'est pas la neige; la neige, ça se pellette. C'est pas la neige, c'est ceux qui disent, inspirés, ah comme il a neigé! C'est pas la neige qui me fait chier, c'est la bonne femme météo qui nous l'annonce comme un cadeau. C'est pas la neige, c'est ceux qui revendiquent leur nordicité et qui s'en font un drapeau.
Ceux qui ont déjà déneigé un toit, levez la main. Les autres, taisez-vous donc.
Sont 30 kilos over, l'été tondent leur gazon sur un petit tracteur, leur gros cul qui déborde du siège, pout, pout, pout. Veulent nous faire croire qu'ils vont chercher le journal au village en raquettes ou en ski de fond.
C'est pas la neige, c'est les bigots, les dévots du froid. Fait moins vingt, moins 55 avec le refroidissement éolien; attention, tu vas te geler les couilles. Mais les couilles, ça gèle pas. Le cerveau, oui. Le pays des cerveaux gelés.»
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Et que celle qui a trouvé le truc pour ne pas avoir tous ses cheveux en l'air, électrifiés et qui se collent lamentablement à vos tempes et à votre front, après la séance déshabillage au bureau me le donne!