Matelot cherche bon vent
J’ai beaucoup de choses en tête ces temps-ci. Je perds du temps à essayer de mettre de l’ordre dans mes pensées. Je prends un livre, j’avance un peu le tricot, je fais un peu de rangement. En vain. Les pensées continuent de m’assaillir sans que je puisse leur trouver un sens – et surtout sans qu’elles me fassent avancer d’un centimètre. J’ai parfois l’impression d’entrevoir des pistes quand aussitôt pshchiiit, elles disparaissent dans les limbes. Il parait que l’inspiration est comme cela : à peine un chuchotement. Si on n’est pas à l’écoute, disposé et prêt à la suivre, elle disparait encore plus soudainement qu’elle ne s’est manifestée. C’est agaçant parce qu’après, il faut gérer la frustration qui s’en suit et arriver à se persuader de son existence…
Bref… Un des sujets qui m’obsèdent en ce moment est l’éducation (rien de nouveau!). Je prends conscience un peu tard que certaines valeurs auxquelles je tiens et que je prenais pour acquises ne semblent pas se transmettre à mes enfants – ou du moins difficilement. Les filles sont à un tournant important, surtout la grande. L’an prochain, elle devra voler de ses propres ailes. Est-elle équipée pour faire face au monde dans lequel on vit? Saurais-je lui éviter les détours et les pièges dans lesquels je me suis débattue moi-même jusqu’à 25 ans? La réponse est sans doute très mitigée… Chaque génération a à faire face à de nouveaux défis. Mais j’ai quand même l’impression qu’on refait tous un peu une petite partie du même chemin, celui de la connaissance de soi, avec plus ou moins de succès. Cela dépend de tellement de facteurs! Et cette découverte de soi prend plus de temps pour certains – j’en fais certainement partie. J’aimerai à défaut de les mettre sur la bonne voie… leur filer quelques bons tuyaux!
J’ai envie de leur dire : fais-toi confiance, crois en toi, en ce que tu ressens, ne cède pas aux tentations ni aux diktats de la société de consommation, n’aie pas peur de te distinguer des jeunes qui t’entourent, prend conscience du marketing qui te manipule, des règles qu’on t’impose pour te limiter, intéresse-toi aux autres… Aime-toi!
Dans la pratique, je me limite à leur dire qu’elles feraient mieux de travailler, courir, lire, rêvasser même plutôt que de trainer devant l’ordi à regarder des téléséries américaines. Mes suggestions de lecture sont le plus souvent ignorées. J’hurle quand la grande passe la moitié de la nuit sur son ipod et je désespère certains jours devant cette virtualité à laquelle moi-même je m’adonne. Allez donc la critiquer!
Avec la cadette… je me demande parfois de quelle planète elle vient! Elle si bavarde avec ses amies, toujours très entourée, souriante, gaie, un vrai boute-en-train, se transforme totalement en entrant dans sa maison. Tout son visage se ferme, tout ce qu’on lui demande entraine inévitablement au mieux de gros soupirs et des « attend 5 minutes », le plus souvent des cris à l’injustice quand ce ne sont pas des insolences – c’est bien connu, chez les autres, on ne demande aucune participation aux ados. Malgré toutes mes tentatives d’entamer une conversation plus légère (je conçois parfaitement que les demandes répétées de ménage et de rangement ne suscitent pas d’enthousiasme débordant), ça finit toujours mal… Au point où je me demande vraiment quand et où nos chemins ont divergé! Et ce n’est guère mieux avec leur père…
Ma seule arme secrète est le magasinage. A quelle extrémité est-on prêt à se résoudre parfois! Moi qui déteste cela (n’en déplaise à certain), je reconnais l’utiliser pour les amadouer un peu. Sauf que l’effet pervers est que cela se retourne contre moi. Et contre tout ce que j’aimerai leur inculquer – voir ci-haut les diktats de la mode, du marketing blablabla….
Modèle réalisé par Tintin sur un plan vu dans un J’aime Lire qui date testé ce week-end sur la rivière : il fait de beaux ronds dans l’eau!
Et me revoilà au point de départ. Alors je continue à manœuvrer à l’aveuglette… avec pour seule boussole mon intuition mais je donnerais cher pour quelques indices, un panneau, n’importe quelle indication, pour savoir si nous avançons dans la bonne direction!
Oui l’éducation, c’est bien cela : un petit bateau, sans boussole ni instruments, avec une voile de fortune et on l’espère une bonne coque.
Ohe ohe matelot
Matelot navigue sur les flots…